For 9386
For 9415
For 9450
For 9465
For 9493
Dethier 03 85Bcd 0
Plan Terrier Pu
Dethier Plan C2F40 0

Place des Guillemins

Liège | 26000 m²

En association momentanée avec Dethier & Associés, Ney & Partners, Gilles Clément

Inaugurée le 18 septembre 2009, la nouvelle gare des Guillemins, dont les bâtiments ont été construits sur les plans de Santiago Calatrava, a pris place dans le réseau à grande vitesse nord-européen. Quand, en 2010, tous les chantiers reliant la Belgique à ses voisins seront achevés et toutes les nouvelles lignes mises en service, une douzaine de villes importantes seront en connection rapide : la Cité ardente sera à 40 minutes de Bruxelles-Midi, à 2 heures de Paris et de Francfort, à 3 heures de Londres. Liège-Guillemins occupera par ailleurs une place centrale au sein de l'Euregio Meuse–Rhin : avec ses nouvelles infrastructures, elle sera gare-relais pour deux grandes villes de l'espace eurégional : Hasselt en Limbourg belge et Maastricht en Limbourg hollandais. La taille des enjeux qui se nouent autour de la modernisation des installations sont énormes sur le plan technique bien sûr mais également sur le plan symbolique.

Liège devient le premier centre ferroviaire de Wallonie. On comprend aisément que les décideurs aient, dans la foulée des travaux, voulu repenser les abords de la gare et que les urbanistes aient fait évoluer leurs réflexions sur l’avenir du quartier dans son ensemble.

Le schéma directeur établi par Claude Strebelle prévoyait en accord avec Santiago Calatrava de créer une nouvelle place des Guillemins ; il précisait même la forme triangulaire du site. Suite à un appel d’offres européen lancé par la Ville de Liège, ce marché a été confié à l’association regroupant le bureau Dethier & Associés, l’agence Ter, l’Atelier 4D et le bureau Ney & Partners. Au-delà de cette mission, nous avons poursuivi notre réflexion avec la conception d’une esplanade longue de 550 mètres, allant jusqu'au fleuve. La philosophie du projet est conduite par une volonté d'intégration à l'environnement topographique, construit et humain du site, en ce compris à l'architecture de Calatrava souvent qualifiée « hors échelle » par rapport au tissu urbain en place. Ainsi, nous avons travaillé à dégager une image forte et cohérente à même d'équilibrer les proportions du quartier et la monumentalité de la gare, notamment en privilégiant une découverte progressive de cette dernière par une distribution appropriée des points de vue.

LA PLACE DES GUILLEMINS

Répondant au gigantisme des installations ferroviaires et assumant la rupture d’échelle avec le bâti environnant, la place est conçue pour créer un vide intermédiaire, remplir une fonction d’intégration des différentes expressions architecturales et assurer la convivialité, l’efficacité et la sécurité des communications.

La première mouture du projet définit un espace de plan triangulaire (entre la rue des Guillemins et la jonction de la rue de Serbie et de la rue de Sclessin) délimité par deux ronds-points signalés par des colonnes lumineuses dessinées par Jean Glibert. C’est pour éviter tout encombrement et toute concurrence avec l’architecture de Santiago Calatrava que nous avons voulu travailler avec des éléments discrets et cohérents. La place est bordée par un long monolithe de béton, qui outre de servir de banquette de repos, la sépare des voiries et assure la sécurité des différentes activités qui peuvent s’y tenir. Un second monolithe suspendu protège le cheminement piéton et accueille un plan d’eau aérien visible depuis les quais. Tous les matériaux ont été choisis pour leurs qualités techniques et leur facilité d’entretien ; on le voit bien avec le sol de la place en béton désactivé incrusté de grès. Regroupés en bouquets, des arbres fruitiers et des sophoras servent de transition douce entre l’architecture de la gare et une échelle humaine ; ils animent l’espace et signalent les zones de repos ombragées.

Outre les fonctions de rassemblement communes à ce type d’espace, la place des Guillemins est un centre de communications. Une attention particulière est portée au plan de circulation et à ses qualités multimodales. Ce dernier définit la création d’un site réservé aux autobus urbains et périurbains. Les taxis sont regroupés. Les automobiles disposent également de quelques places de parking, mais leur nombre est limité, ce qui permet d’éviter l’engorgement du quartier et de privilégier les 800 emplacements à l’arrière des installations ferroviaires où les voitures sont en connection directe avec l’autoroute. Afin d’assurer convivialité et sécurité aux piétons, nous avons multiplié les passages cloutés, prévu des zones refuge et élargi les trottoirs, ce qui permettra d’étendre les terrasses des établissements Horeca.

Pour lancer le projet, il fallait bien entendu attendre que le chantier « Calatrava » qui empiétait sur une grande partie des abords soit achevé. Les retards cumulés pris par ces travaux ont permis à la Ville de Liège de nous demander d’étudier la faisabilité d’une esplanade entre la gare et la Meuse. Ils l’ont par ailleurs obligée à réintroduire le permis d’urbanisme de la place arrivé à échéance. Nous en avons profité pour améliorer notre projet original en rapprochant les arrêts d’autobus de la gare, selon une demande émanant de la Ville. Nous avons adapté les plans et les profils du site à tous les tracés de tram envisageables. Une attention accrue a été portée à l’éclairage nocturne étudié en collaboration avec Jean Glibert. La disposition des sources lumineuses déplacées au bas des colonnes et des troncs d’arbre ainsi que le nouveau schéma d’illumination des ronds-points avec des mâts d’éclairage peints et des surfaces réfléchissantes créent une animation visuelle qualitative. Nous avons également modifié l’implantation des arbres tout en préservant leur rôle d’animation et de signalisation des zones de repos : disposés selon des alignements transversaux, les prunus et les sophoras continuent d’assurer la transition entre la gare et le quartier. La forme des monolithes de béton et des jeux d’eau a été revue : la place se trouve délimitée par un premier bassin en béton animé par un principe de vagues et de jets émergeant de façon aléatoire ; un second bassin guide le cheminement et récolte les eaux de ruissellement. 

Les travaux commenceront au printemps 2010 pour s’achever en 2012.

L’ESPLANADE

C’est dans la continuité de notre travail pour la place que nous avons réalisé l’étude de faisabilité pour la réhabilitation du quartier des Guillemins et la création d’une esplanade longue de 550 mètres entre la gare et la Meuse. Les objectifs primordiaux sont d’instaurer un dialogue valorisant entre l’architecture de Calatrava et son environnement direct mais surtout de donner à toute cette partie de la ville un véritable outil de reconversion. 

Le concept de base est de compléter l’existant et, donc, de limiter les expropriations plutôt que de détruire le quartier au profit de nouvelles constructions décontextualisées. La préservation du front bâti le long de la rue Paradis, surtout constitué d'habitations répondant à une typologie caractéristique du XIXe siècle, entre dans cette optique d'intégration. Le calcul des gabarits des nouvelles constructions participe de la même logique. Deux échelles sont prévues. La première correspond aux proportions des bâtiments « socles », définies suivant celles des maisons existantes. La seconde autorise l'édification le long de l'esplanade d'émergences ponctuelles sur une hauteur accordée aux proportions de la gare ou des immeubles des quais.

Le plan masse définit un axe transversal et un axe longitudinal. Ce dernier correspond à l’orientation de l’esplanade. Il s’agit d’une composante majeure du futur quartier. Sa conception repose sur l’analyse des problème de fonctionnalité, de convivialité et de sécurité. Elaborée en fonction de modes de circulations lents, cyclistes mais surtout piétons, elle intègre des nombreuses réflexions urbanistiques : segmentation spatiale calculée sur des vitesses de déplacement spécifiques, dégagement du trafic automobile, juste proportion entre l’espace et son occupation humaine … Cet axe se poursuit par une passerelle au dessus du fleuve qui donne accès au parc de la Boverie avec ses facteurs culturels (futur CIAC, Palais des Congrès) et au delà vers la Médiacité dessinée par Ron Arad dans le quartier du Longdoz. La réflexion ne se concentre pas pour autant sur un unique axe délimité par l’alignement de deux fronts bâtis. Nous avons également réfléchi à la nécessité de qualifier l’ensemble du tissu urbain tant à l’est qu’à l’ouest de l’esplanade, en relevant notamment son potentiel en terme de logement.

Autre axiome du projet : la mise en place d’éléments de liaisons locales et régionales. Afin de renforcer le rayonnement de l'espace public, de nombreuses connexions sont prévues au départ de la gare : vers le centre-ville, à l’intérieur du quartier redynamisé, vers les bords de Meuse avec le réseau Ravel et vers le parc de la Boverie. Des liaisons transversales permettent d'optimaliser la circulation entre les quartiers Guillemins et Fragnée avec une attention portée aux modes de déplacement doux. Le long des berges, le conditionnement des voiries incluant l’enfouissement d’une partie du trafic contribue à limiter le transit automobile et à reporter l’essentiel des flux sur les principaux axes des quais.

La conjugaison de la vocation métropolitaine du projet et de l’échelle du quartier est à même de donner à l’ensemble un rôle moteur pour l’image de Liège. A une époque de désertification de la ville, nous avons prêté une attention particulière au logement : les émergences ponctuelles et les remaniemens en intérieurs d’îlots sont destinés à offrir des lieux de vie attractifs et conçus suivant les principes du développement durable. La gare des Guillemins est une chance qu’il faut saisir : il faut favoriser l’accueil d’ habitants motivés par la « nouvelle » proximité avec Maastricht, Hasselt, Bruxelles ou Cologne offerte par les installations TGV. Ces réflexions intègrent la notion de mixité fonctionnelle. L’aménagement d’un quartier d’affaire encore inexistant à Liège et une implantation du secteur tertiaire respectueuse des commerces existants constituent autant de garants pour la vitalité de toute cette partie de la ville et pour sa signification dans le contexte liégeois considéré dans son ensemble. 

Il faut encore souligner le réalisme du projet du point de vue des budgets, des nuisances pour la vie du quartier et des délais de mise en œuvre. Les démolitions et expropriations qu’il implique sont limitées. Valorisant en priorité le foncier « public » mobilisable et s’appuyant sur de justes partenariats privés, nous avons tenu compte des capacités financières de Ville. Appuyée par la Région wallonne dès janvier 2007, l’étude a été approuvée par le Collège communal le 8 février de la même année. Ce choix tranche la pomme de discorde qui mûrissait avec la proposition présentée en 2000 par Santiago Calatrava pour le même espace. Il faut reconnaître que le projet de l’architecte catalan - plus monumental et souvent jugé irréaliste dans sa démesure - vise davantage l’adaptation du tissu urbain à la gare que l’intégration de cette dernière aux caractéristiques de la Cité ardente.

Cette étude de faisabilité devrait déboucher sur la mise au point d’un faisceau de prescriptions urbanistiques. Pour assurer la cohérence de l’opération et de l’identité du futur quartier des Guillemins, il faut imposer l’implantation des fonctions, les gabarits des nouvelles constructions, le traitement des façades et des sols… La récente proposition des bureaux Jaspers et Greisch visant à loger les services du Ministère des Finances au sein d’une tour émergeante dans la partie occidentale de l’esplanade ne nous apparaît pas comme un élément qualitatif. Adapté à partir des propositions que nous avions présentées, cet immeuble a été agrandi. Ses nouvelles proportions ne sont pas adaptées à son environnement sur lequel il jettera une ombre importante. Il sera en outre difficile de calibrer les autres émergences sur son gabarit. Alors que nous avions prévu d’installer « les finances » dans des immeubles-socles peu élevés (4 niveaux) et surmontés de logements, les voici mis en valeur dans une building et à un emplacement qu’il faut dédier à un habitat de qualité. Outre les questions symboliques, il y a toute une série d’éléments d’ordre économique (perte d’une offre locative attrayante) et humain : en fin de journée, la future « tour des finances » se trouvera désertée avec tout les problèmes que cela implique en terme de vitalité et de sécurité du quartier.

QUATRE REFLEXIONS AUTOUR DES PROJETS D’AMÉNAGEMENT DU QUARTIER DES GUILLEMINS

Suite à un appel d’offres européen lancé par la Ville de Liège, le marché portant sur l’aménagement d’une place en face de la nouvelle gare des Guillemins a été confié à une association regroupant notre bureau, l’agence Ter, l’Atelier 4D et le bureau Ney & Partners. Au-delà de cette mission, nous avons poursuivi notre réflexion par une étude de faisabilité portant sur le réaménagement du quartier. Les objectifs primordiaux sont d’instaurer un dialogue valorisant entre l’architecture de Santiago Calatrava et son environnement direct mais surtout de donner à toute cette partie de la ville un véritable outil de reconversion au travers d’une réflexion dont les axes forts (limitation des expropriations, aménagement d’une esplanade de la gare au fleuve, enfouissement des voies rapides, relogement du Ministère des Finances …) ont été traduits dans la définition du Périmètre de Remembrement urbain adopté le 24 décembre 2007 par le Gouvernement wallon.

CONCERNANT L'ABSENCE DE PRESCRIPTIONS URBANISTIQUES

Notre étude de faisabilité aurait du être suivie par la mise au point d’une faisceau de prescriptions urbanistiques. Pour assurer la logique de l’opération et l’identité du futur quartier, il faut définir les zones à bâtir, les gabarits des nouvelles constructions, le traitement des façades et des sols … Il faut prévoir l’implantation des fonctions en préservant les commerces de la rue des Guillemins, en favorisant la dévolution du socle construit (rez+3) au secteur tertiaire et celle des émergences au logement. L’intérêt de développer un complexe d’architectures passives devrait y être traduit ; des exemples comme Fribourg en Allemagne ou le Vorarlberg en Autriche témoignent des avantages à planifier ce type de dispositions qui, en outre, donneraient à Liège l’image d’une ville répondant à des enjeux contemporains significatifs.

En l’absence, au stade actuel, de prescriptions urbanistiques, on est en droit de s’inquiéter de la pertinence et de la cohérence des aménagements ainsi que de la nature des préceptes auxquels les différents promoteurs pourront se référer.

SUR LA MULTIPLICITÉ DES INTERVENTIONS DEMANDÉES POUR L'ESPACE ENTRE LA GARE ET LE FLEUVE

Tels qu’ils semblent se définir aujourd’hui, les aménagements entre la gare et le fleuve juxtaposent sans le coordonner le travail d’au moins trois auteurs de projet pour la place, puis pour l’esplanade et enfin pour l’enfouissement des voies rapides. Cette option nous semble mettre en péril la nécessité de considérer le quartier de façon unitaire. Tant du point de vue du traitement général de l’espace que de points particuliers comme les revêtements de sol, la végétation ou le mobilier urbain, nous craignons de voir différentes options se concurrencer. 

CONCERNANT LE PROJET D'AMENAGEMENT D'UNE NOUVELLE "TOUR DES FINANCES"

Une idée forte de notre étude de faisabilité est de promouvoir un habitat attractif, conçu selon les principes du développement durable. A une époque de désertification urbaine, la gare des Guillemins et ses installations TGV offrent une conjoncture qu’il est impératif d’exploiter : il faut favoriser l’accueil d’habitants motivés par la « nouvelle » proximité avec Maastricht, Hasselt, Bruxelles ou Cologne. Avec l’aménagement des émergences le long de l’esplanade et les remaniements en intérieurs d’îlot, on propose 400 logements neufs, auxquels on peut ajouter la réceptivité du foncier « mutable » pour, à terme, développer un parc de 800 logements.

La récente proposition des bureaux Jaspers et Greisch visant à implanter les services du Ministère des Finances dans une tour à ériger en partie occidentale de l’esplanade ne s’inscrit pas dans cette dynamique de qualification du quartier. Copié (en la dénaturant) sur la proposition que nous avions présentée pour la construction d’une émergence dévolue au logement, cet immeuble de bureaux est massif et beaucoup trop élevé (120 m). Ses proportions ne sont pas adaptées à son environnement sur lequel il jettera une ombre importante. Il sera en outre difficile de calibrer les autres émergences sur son gabarit. Alors que nous avions prévu d’installer les « Finances » dans des immeubles-socles peu élevés (4 niveaux) et surmontés de logements, les voici mis en valeur dans une building et à un emplacement qu’il faut dédier à un habitat de qualité. Outre les questions symboliques, il y a toute une série d’éléments d’ordre économique (perte d’une offre locative attrayante) et humain : en fin de journée, la future « Tour des Finances » se trouvera désertée avec tous les problèmes que cela implique en terme de vitalité et de sécurité du quartier. Si le projet tel qu’il est aujourd’hui présenté est maintenu, il faut veiller à en réduire l’importance – l’espace réduit en hauteur devant être récupéré par un développement du socle du bâtiment – et à l’équilibrer en édifiant en vis-à-vis une émergence dévolue au logement.

SUR L'ACTUEL IMMEUBLE DU MINISTÈRE DES FINANCES

La destruction totale des bâtiments encore aujourd’hui en activité nous semble également très contestable. Si l’immeuble longeant la rue Paradis ne présente guère de qualité, il n’en va pas de même pour l’édifice cruciforme qui clôture le complexe dans sa partie orientale. Dessinée par Georges Dedoyard (1897-1988), également auteur des Bains de la Sauvenière ou du pont Albert, cette construction témoigne de la compréhension que cet architecte de renom avait des principes du Style International en vogue à Liège depuis la fin des années 1950. En outre, il est en bon état et présente une structure aisément adaptable aux critères contemporains de durabilité. On peut ainsi légitimement se demander pourquoi il faut détruire un édifice à valeur patrimoniale qui ne gêne nullement le développement de l’esplanade pour reconstruire sur le même site une tour qui posera de réels problèmes urbanistiques ?